Plus encore que les autres auteurs classiques, Racine est un poète. Ses alexandrins sont si rythmés et musicaux qu’on a parfois soutenu que ses tragédies ne gagnaient rien à être jouées et qu’il fallait les écouter comme des poèmes. Les mises en scène modernes nous ont prouvé le contraire : les scènes sont fortes, structurées, pas du tout fondées sur la seule incantation. Mais, alors que Corneille et Molière ont une formation rhétorique et jouent volontiers avec la forme du discours, Racine se place davantage à l’intérieur du flux de la conscience de ses personnages et leur donne un langage plus fluide, où les mots se répondent dans une forme d’assonance et de chant. Les propos sont en situation, participent à l’action mais peuvent être aussi détachés, isolés, comme des phrases dont la beauté enchante et la profondeur bouleverse.
Ainsi Phèdre se voyant tout haut à la place d'Ariane et menant un Hippolyte-Thésée :
« Et Phèdre au Labyrinthe avec vous descendue
Se serait avec vous retrouvée ou perdue. »
(Phèdre, acte II, scène V).
Ou Junie répondant à Britannicus :
« J’ose dire pourtant que je n’ai mérité
Ni cet excès d’honneur, ni cette indignité »
(Britannicus, II, 3).
Balancements, symétries, juxtapositions de termes antinomiques (oxymores) et assonances suggestives traduisent brillamment dans le vers racinien les impasses qui enferment, la fureur qui transporte, l'effarement qui rend fou ; ainsi dans le célébrissime alexandrin d'Oreste perdant la raison : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? »
(Andromaque, V, 5).
La maîtrise du lyrisme stylistique donne au vers une mélodie prégnante propre à Racine.
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