Les bourgeois
La classe des bourgeois est la classe sociale la plus représentée et analysée par Molière. Et c’est dans la cellule familiale bourgeoise que Molière prend les événements qui l’intéressent : les questions de mariage, de l'autorité du père, des relations entre époux, du désir d’indépendance des enfants.
Pris par son activité d’artiste, marié mais
n’ayant eu qu’un seul enfant qui ne soit pas mort peu de temps après la
naissance, Molière ne semble pas avoir eu une vie bourgeoise, mais c’est
de ce milieu-là qu’il vient : un milieu où l’on a des biens, où le
souci de l’argent a tendance à prendre le pas sur l’amour.
Molière a peint toute une galerie de bourgeois différents : Tartuffe, devenu naïf sous l’emprise d’une fascination, Alceste, (le Misanthrope) écartelé entre l’amour et la solitude, Harpagon (l'Avare), dévoré par sa passion de l’argent, Chrysale (les Femmes savantes), défenseur du rôle domestique de la femme, Monsieur Jourdain (le Bourgeois gentilhomme), type du nouveau riche qui voudrait accéder à la classe sociale supérieure. Arnolphe (l'École des femmes ) présente l’originalité d’être situé hors contexte : c’est un solitaire qui veut façonner une jeune fille selon ses désirs.
Les personnages d’épouses ont souvent moins d’épaisseur. Si Philaminte (les Femmes savantes) représente singulièrement une précieuse très active et en conflit avec son mari ; si Béline (le Malade imaginaire) est une intrigante, les autres épouses, Elmire (Tartuffe), Madame Jourdain (le Bourgeois gentilhomme),
sont des femmes raisonnables qui défendent la solidité et les valeurs
de la famille contre les extravagances de leur conjoint.
Quant aux jeunes gens, ils attirent la sympathie mais
ils manquent de personnalité. Ils sont presque interchangeables d’une
pièce à l’autre.
5.2. Les nobles
Dom Juan donne une image flatteuse d’un aristocrate, mais la pièce ne parle pas exactement de la réalité sociale. C’est une variation sur un sujet déjà traité par un auteur espagnol. Le personnage est plus mythique qu’inscrit dans la réalité du xviie siècle.
Vis-à-vis des nobles de son temps, Molière est le
plus fréquemment sévère et même cruel. Il a personnellement beaucoup
souffert de leur arrogance et de leur suffisance. Il les ridiculise dans
la Critique de l'École des femmes et dans l'Impromptu de Versailles.
Il se venge une fois encore de tous les courtisans appartenant à
l’aristocratie à travers les deux personnages de « petits marquis » dans
le Misanthrope et des odieux de Sotenville dans George Dandin. Enfin, Dorante, le noble dans le Bourgeois gentilhomme, est un malhonnête homme, empruntant de l’argent qu’il ne rembourse pas.
5.3. Les serviteurs
Les domestiques sont, chez Molière, des personnages
aussi importants pour l’action que pour les effets comiques. Ils
viennent autant de l’image qu’ont donnée d’eux les farces latine et
italienne que de la réalité de tous les jours.
Les serviteurs masculins, héritiers d’Arlequin, sont,
comme Scapin, malhonnêtes (ou, tout au moins, rusés), fréquemment
profiteurs et alcooliques, mais fidèles à leur maître et d’une
imagination si efficace qu’elle débrouille les situations les plus
compliquées. Molière a progressivement humanisé ce type de personnage, en passant de Mascarille, le rusé, à Sganarelle qui représente par moments les souffrances des gens du peuple.
Pour les servantes, Molière a fait encore davantage éclater les cadres de la tradition. Les servantes sont la voix de la raison et la voix de Molière lui-même.
Leur bonhomie, leur culot, leur langue bien pendue, la saveur de leur
langage, leur absence de crainte face aux maîtres, leur défense des
enfants arrivés à l’âge du mariage, tout fait d’elles des héroïnes dont
les défauts – elles ne savent pas rester à leur place – se transforment
immédiatement en qualités. Dorine (Tartuffe), Martine (les Femmes savantes) et Toinette (le Malade imaginaire)
incarnent un bon sens populaire sans lequel Molière manquerait d’un
instrument de mesure pour juger l’évolution de la société et les travers
de ses héros.
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