jueves, 21 de abril de 2016

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BLOG DE JEAN CORNEILLE

Les procédés comiques chez Molière

En grand auteur, Molière varie les procédés comiques, qui lui permettent d’obtenir le rire le plus simple comme le rire le plus subtil.

Le comique de geste

Le comique de geste est essentiel dans la farce mais aussi dans les différentes formes de comédie. Par les mimiques, l’accoutrement, les déplacements, les mouvements de la tête et des bras qui caractérisent un personnage ou expriment une intention non exprimée par la parole, l’acteur amplifie la drôlerie de l’action.
Formé dès la jeunesse par les farces qu’il voyait sur la place publique et sensible au talent expressif des acteurs italiens, Molière était lui-même un comédien qui utilisait tous les ressorts de la gestuelle comique. Les gestes sont primordiaux dans des pièces comme la première farce de l’auteur, la Jalousie du barbouillé, où il y a des gags et des chutes comme, bien plus tard, en usera le cinéma burlesque, de même que dans les Fourberies de Scapin, où le valet frappe le vieux Géronte qu’il a fait entrer dans un sac ou dans le Médecin malgré lui, où Sganarelle, pris pour un médecin, multiplie les interventions incorrectes et déplacées.

 Le comique de situation

Comme Molière affectionne la rapidité des actions, il a beaucoup employé ce type de comique.
Il repose sur des rencontres entre les personnages et sur des événements qui introduisent une nouveauté, une surprise ou un choc suscitant le rire. Il dépend généralement plus de l’imprévu et du mouvement que du texte. Parfois, Molière abuse des retournements de situation comme à la fin de l’Avare, où des personnages se retrouvent et se reconnaissent des années après un naufrage et un enlèvement, mais ce n’est pas là véritablement un procédé comique, plutôt une facilité pour terminer rapidement une pièce qu’il faut monter dans l’urgence.
Le comique de situation est particulièrement efficace, par exemple, dans les Précieuses ridicules lorsque Mascarille et son ami Jodelet se font passer pour de « beaux esprits » et trompent les prétentieuses provinciales, avant de se faire rosser par leurs maîtres. Il prend aussi souvent la forme du quiproquo, quand un personnage est pris pour un autre, comme dans Amphitryon, où Jupiter est confondu avec le général Amphitryon et le dieu Mercure avec le valet Sosie. Il est aussi mis en place dans Tartuffe quand l’épouse d’Orgon, Elmire, déclare à l’imposteur qu’elle est prête à se donner à lui, alors que son mari est caché sous la table.

 Le comique de mots

Le comique de mots est essentiel chez Molière. Il commence dès la création du nom des personnages : l’usage était alors d’employer des noms à consonance grecque, latine ou italienne, et Molière respecte cette coutume mais introduit parfois aussi des noms qui évoquent le type de personnage qu'il crée : Tartuffe, Harpagon, Trissotin, Pourceaugnac par exemple.
Il se développe dans les répliques où l’auteur recourt à certaines tournures verbales comme les jeux de mots, « Bélise : Veux-tu toute ta vie offenser la grammaire ? Martine : Qui parle d’offenser grand-père ni grand-mère ? », dans les Femmes savantes, ou bien « Ce Monsieur Loyal porte un air bien déloyal » dans le Misanthrope.
Source de comique, le latin de fantaisie qu’il prête aux médecins dans le Médecin malgré lui et dans le Malade imaginaire. De même que l’opposition du langage populaire et du langage savant (dans la scène des paysans dans Dom Juan), ou bien dans les dialogues entre précieux et gens simples dans les Précieuses ridicules et les Femmes savantes), ainsi que la répétition martelée d’une même réplique (« Qu’allait-il faire dans cette galère ? » dans les Fourberies de Scapin)...
Dans son utilisation de la langue, Molière a une double pratique. D’un côté, la simplicité des mots met en relief la sagesse populaire : « Et je vous verrais nu du haut jusques en bas / Que toute votre peau ne me tenterait pas » dit Dorine dans Tartuffe, ou, au contraire, souligne le caractère fruste ou imbécile d’un personnage : « Je vis de bonne soupe et non de beau langage  », dit Chrysale dans les Femmes savantes. D’un autre côté, des phrases très construites, mettent en place la rhétorique des idées et des raisonnements.
Molière vise la clarté de l’expression et l’efficacité du comique pour construire un théâtre du vrai et du naturel, mis au service d’une morale. Dans l’un des textes envoyés au roi pour obtenir la levée de l’interdiction de Tartuffe, il écrivait :  « Le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant, j’ai cru, que, dans l’emploi où je me trouve, je n’avais rien de mieux à faire que d'attaquer par des peintures ridicules les vices de mon siècle », le mot « ridicule » devant être compris dans le sens « qui suscite le rire ».
Chez Molière, le sens de la comédie, même quand il passe par les gags ou la violence de la satire, est toujours empreint de cette noblesse d’âme.

Les personnages de Molière

Les bourgeois

La classe des bourgeois est la classe sociale la plus représentée et analysée par Molière. Et c’est dans la cellule familiale bourgeoise que Molière prend les événements qui l’intéressent : les questions de mariage, de l'autorité du père, des relations entre époux, du désir d’indépendance des enfants.
Pris par son activité d’artiste, marié mais n’ayant eu qu’un seul enfant qui ne soit pas mort peu de temps après la naissance, Molière ne semble pas avoir eu une vie bourgeoise, mais c’est de ce milieu-là qu’il vient : un milieu où l’on a des biens, où le souci de l’argent a tendance à prendre le pas sur l’amour.
Molière a peint toute une galerie de bourgeois différents : Tartuffe, devenu naïf sous l’emprise d’une fascination, Alceste, (le Misanthrope) écartelé entre l’amour et la solitude, Harpagon (l'Avare), dévoré par sa passion de l’argent, Chrysale (les Femmes savantes), défenseur du rôle domestique de la femme, Monsieur Jourdain (le Bourgeois gentilhomme), type du nouveau riche qui voudrait accéder à la classe sociale supérieure. Arnolphe (l'École des femmes ) présente l’originalité d’être situé hors contexte : c’est un solitaire qui veut façonner une jeune fille selon ses désirs.
Les personnages d’épouses ont souvent moins d’épaisseur. Si Philaminte (les Femmes savantes) représente singulièrement une précieuse très active et en conflit avec son mari ; si Béline (le Malade imaginaire) est une intrigante, les autres épouses, Elmire (Tartuffe), Madame Jourdain (le Bourgeois gentilhomme), sont des femmes raisonnables qui défendent la solidité et les valeurs de la famille contre les extravagances de leur conjoint.
Quant aux jeunes gens, ils attirent la sympathie mais ils manquent de personnalité. Ils sont presque interchangeables d’une pièce à l’autre.

5.2. Les nobles

Dom Juan donne une image flatteuse d’un aristocrate, mais la pièce ne parle pas exactement de la réalité sociale. C’est une variation sur un sujet déjà traité par un auteur espagnol. Le personnage est plus mythique qu’inscrit dans la réalité du xviie siècle.
Vis-à-vis des nobles de son temps, Molière est le plus fréquemment sévère et même cruel. Il a personnellement beaucoup souffert de leur arrogance et de leur suffisance. Il les ridiculise dans la Critique de l'École des femmes et dans l'Impromptu de Versailles. Il se venge une fois encore de tous les courtisans appartenant à l’aristocratie à travers les deux personnages de « petits marquis » dans le Misanthrope et des odieux de Sotenville dans George Dandin. Enfin, Dorante, le noble dans le Bourgeois gentilhomme, est un malhonnête homme, empruntant de l’argent qu’il ne rembourse pas.

5.3. Les serviteurs

Les domestiques sont, chez Molière, des personnages aussi importants pour l’action que pour les effets comiques. Ils viennent autant de l’image qu’ont donnée d’eux les farces latine et italienne que de la réalité de tous les jours.
Les serviteurs masculins, héritiers d’Arlequin, sont, comme Scapin, malhonnêtes (ou, tout au moins, rusés), fréquemment profiteurs et alcooliques, mais fidèles à leur maître et d’une imagination si efficace qu’elle débrouille les situations les plus compliquées. Molière a progressivement humanisé ce type de personnage, en passant de Mascarille, le rusé, à Sganarelle qui représente par moments les souffrances des gens du peuple.
Pour les servantes, Molière a fait encore davantage éclater les cadres de la tradition. Les servantes sont la voix de la raison et la voix de Molière lui-même. Leur bonhomie, leur culot, leur langue bien pendue, la saveur de leur langage, leur absence de crainte face aux maîtres, leur défense des enfants arrivés à l’âge du mariage, tout fait d’elles des héroïnes dont les défauts – elles ne savent pas rester à leur place – se transforment immédiatement en qualités. Dorine (Tartuffe), Martine (les Femmes savantes) et Toinette (le Malade imaginaire) incarnent un bon sens populaire sans lequel Molière manquerait d’un instrument de mesure pour juger l’évolution de la société et les travers de ses héros.

5.4. Les paysans

Les paysans apparaissent rarement, sauf quand Molière a besoin de personnages dotés d’accents provinciaux, comme Pierrot dans Dom Juan. George Dandin, le paysan enrichi qui a eu le malheur d’épouser une aristocrate, reste une exception. Mais cette pièce, George Dandin, traduit peut-être plus un désir de Molière de s’en prendre aux nobles qu'un intérêt profond pour la paysannerie.

Chronologie des pièces principales de Molière

1659 : les Précieuses ridicules, comédie.
1662 : l'École des femmes , comédie.
1663 : la Critique de l'École des femmes, comédie.
1663 : l'Impromptu de Versailles, comédie.
1664-1669 : Tartuffe, comédie.
1665 : Dom Juan, comédie.
1666 : le Misanthrope, comédie.
1666 : le Médecin malgré lui, comédie.
1668 : Amphitryon, comédie.
1668 : George Dandin, comédie.
1668 : l'Avare, comédie.
1669 : Monsieur de Pourceaugnac, comédie-ballet.
1670 : le Bourgeois gentilhomme, comédie-ballet.
1671 : les Fourberies de Scapin, comédie.
1671 : les Femmes savantes, comédie.
1673 : le Malade imaginaire, comédie mêlée de musique et de danse.

Les formes de théâtre chez Molière

La farce et la comédie

La farce est une forme qui exagère et simplifie la nature des personnages et l’action, pour provoquer un rire immédiat. Molière connaissait à la fois les farces des bateleurs qu’il voyait sur le Pont-Neuf, à Paris, dans son enfance, celles des comédiens italiens jouant à Paris et celles qu’avaient laissées les auteurs de l’Antiquité, en particulier les farces de l’auteur latin Plaute.
C’est ainsi qu’il commença par des farces : l’Étourdi, le Dépit amoureux. Comme le genre de la farce exige une action courte et rapide, il est passé ensuite au genre de la comédie, plus étoffé, où l’action et la psychologie font l’objet de développements longs et subtils.
Mais Molière a utilisé des gags et des situations de farces à l’intérieur de ses pièces plus ambitieuses, comme l’Avare, pièce truffée d’exagérations comiques. Pour le plaisir de revenir au rire populaire, il est souvent retourné à la belle simplification de la farce, comme lorsqu’il écrivit le Médecin malgré lui et les Fourberies de Scapin, alors même qu’il était pour beaucoup l’auteur comique mais grave du Misanthrope.
On peut distinguer plusieurs types de comédie dans le répertoire moliéresque, parfois mis en œuvre dans une même pièce ; le Misanthrope, par exemple, est à la fois une comédie de mœurs et une comédie de caractère, l’Avare également.

3.2. La comédie satirique

L’une des caractéristiques du comique, c’est de se moquer des contemporains, des gens parmi lesquels on vit. Un peu à la manière d’un journaliste pamphlétaire, Molière a raillé un certain nombre de corps sociaux, religieux et mondains.
Le corps social que Molière a le plus violemment attaqué est celui des médecins : leur mise en cause comique a lieu dans de nombreuses pièces, du le Médecin malgré lui au Malade imaginaire, la dernière pièce de Molière. Même à l’intéreur de Dom Juan, il s’en prend aux disciples d’Esculape.
Il critique aussi toute une frange du milieu religieux, les « faux dévots », qu’il dénonce violemment à travers le personnage du roué Tartuffe ; cette audace lui coûtera cher, la pièce sera interdite par trois fois.
Enfin, Molière est un satiriste du milieu mondain, qu'il ridiculise dans les Précieuses ridicules et les Femmes savantes et lorsqu’il prend pour cible les aristocrates impudents, notamment dans George Dandin.

3.3.. La comédie mythologique

Lorsqu’il s’inspire d’un sujet traité par un auteur de l’Antiquité, comme c’est le cas pour l'Avare tiré d’une comédie de Plaute, Molière transpose l’action dans son temps.
Mais, exceptionnellement, il garde le contexte antique quand il écrit Amphitryon. C’est donc une comédie mythologique, de la même façon que les tragédies de Racine et de Corneille sont des tragédies antiques. Cette œuvre n’a pas d’équivalent parmi les autres pièces de Molière. Elle fait référence à un épisode des légendes grecques et ne s’adresse pas à un public large, mais à un public cultivé.

3.4. La comédie-ballet

La comédie-ballet, dont la forme annonce l’opéra par ses parties chantées et dansées, a pour principe d’alterner des scènes chorégraphiées et des scènes dialoguées. Elle s’est développée quand les divertissements royaux se sont multipliés à Versailles et dans d’autres châteaux. Le roi Louis XIV et la Cour étaient très friands de ces spectacles qui reposaient sur une idée de théâtre total – utilisant tous les langages du spectacle – et déployaient un grand faste dans l’utilisation des décors et des machineries.
Molière a souvent répondu aux commandes qui lui étaient faites par le roi. Les Fâcheux, les Plaisirs de l’île enchantée, la Princesse d’Élide, les Amants magnifiques sont des comédies-ballets dont les textes ne nous importent plus beaucoup aujourd’hui, à l'inverse de Monsieur de Pourceaugnac, le Bourgeois gentilhomme et Malade imaginaire.
Ces trois dernières pièces sont parfois représentées sans leurs intermèdes musicaux mais elles ont été conçues sous cette forme qui mêle l’action théâtrale et les tableaux faits de chants et de danses. Pour toutes ces œuvres, Molière collaborait avec un musicien, tel que Lully ou Marc-Antoine Charpentier.
Le genre de la comédie-ballet mettait généralement en scène les épisodes et les héros de la mythologie et des pastorales. Molière a su à la fois utiliser des thèmes antiques et imposer des sujets contemporains...

3.5. La comédie du théâtre

Délaissant la fiction, Molière s’est amusé par deux fois à répondre à ses détracteurs sous la forme d’une comédie sur le théâtre. La première fois, ce fut avec la Critique de l'École des femmes, où il représente des spectateurs hostiles à sa pièce l’École des femmes qui discutent avec des spectateurs favorables.
La seconde fois, ce fut avec l'Impromptu de Versailles, où il se met lui-même en scène en train de diriger ses propres acteurs. Il donne à voir ainsi le théâtre et son public, mais, derrière la réaction à un événement d’actualité et la volonté de répondre aux polémiques, s’affirme aussi un discours théorique et esthétique, exprimant les points de vue de l’auteur sur l’art dramatique.

3.6. La comédie de mœurs

La comédie de mœurs vise à dépeindre la façon dont les hommes vivent en société. Molière est l’un des grands maîtres de la comédie de mœurs, avec des angles d’attaque différents, puisqu’il passe du registre satirique au tableau proprement social.
Dans les Précieuses ridicules, c’est à la satire d’un phénomène de mode que l’auteur s’attache avant tout. Dans l'École des femmes, Tartuffe, Le Misanthrope, George Dandin, les Femmes savantes le comique a toujours un caractère de moquerie relatif aux travers de l’époque mais il s’élargit à l’examen du milieu social.
Ce sont surtout la famille et la question du mariage qu’embrasse le regard de Molière : il montre comment les enfants subissent la loi des parents (essentiellement du père), comment les relations avec l’argent, les rapports entre les époux et le désir de s’inscrire dans un courant à la mode ou dans un mouvement religieux modifient la vie du groupe, quels sont les place et rôle des domestiques dans la vie de la maison et comment l’union conjugale est parfois traitée autant comme une affaire financière que comme une question d’harmonie amoureuse.
Molière représente aussi le décalage entre les classes sociales : la tentative de passer dans la classe supérieure, de la bourgeoisie à l’aristocratie se traduit le plus souvent par un comportement ridicule et voué à l’échec.
Chez Molière, la notion de mœurs est liée à la notion de morale : en raillant les défauts de ses contemporains, il en appelle à la raison et à un comportement qui mettrait fin aux folies et aux lubies. Dans cette perspective, les personnages dont le comportement est condamnable sont souvent ridiculisés ou punis dans l’une des dernières scènes de la pièce.

3.7. La comédie de caractères

Au-delà de la représentation du contexte social et de l’époque dans laquelle il s’inscrit, il y a l’individu et sa psychologie. La comédie de caractère cherche à mettre en évidence un type humain qui a une valeur universelle, et même éternelle, puisque les mêmes natures d'homme et de femme traversent les siècles.
C’est une des grandes idées du xviie siècle français que de reprendre cette peinture du caractère, telle qu’elle avait été ébauchée dans l’Antiquité (chez les auteurs grecs puis dans la comédie latine) et d’en faire l’un des grands thèmes de la littérature et du théâtre.
Les Caractères de Jean de La Bruyère, ouvrage postérieur au théâtre de Molière, accomplit parfaitement cette composition d'une galerie de portraits où des types humains (l’égoïste, l’amoureux, le cupide…) sont saisis à travers leurs traits essentiels.
Molière, avant lui, a dépeint un certain nombre de personnages représentatifs des diverses façons d’être et de penser : Tartuffe est l’exemple même de l’ambitieux pratiquant le double langage pour arriver à ses fins. Alceste, le misanthrope, est l’homme qui n’aime pas les autres hommes et exècre la société. M. Jourdain, le « bourgeois gentilhomme », est, ce qu’on appellerait aujourd’hui, un nouveau riche, qui croit, naïvement, qu’on peut changer de statut social avec le pouvoir de son argent. Harpagon, le personnage central de l'Avare, est le parangon de ces êtres qui sacrifient tout au plaisir de posséder et qu’on appelait aussi, au xviie s., des « avaricieux ». Argan, le « malade imaginaire », incarne à la perfection une configuration psychologique, celle de l’homme chez qui la hantise de la maladie et de la mort fait disparaître la perception de la réalité.
Ce sont essentiellement des types masculins que Molière a composé, à côté de quelques types féminins : la femme séductrice et coquette, à travers le personnage de Célimène dans le Misanthrope, les servantes généreuses et batailleuses telles que Dorine dans Tartuffe et Toinette dans le Malade imaginaire...

3.8. La comédie philosophique

Molière n’a pas écrit, à proprement parler, du théâtre philosophique. Mais cette dimension existe dans certaines de ses pièces. Adversaire d’une forme de fanatisme religieux, tel qu’il se montre avec prudence dans Tartuffe (où il dénonce les « faux dévots » et non les dévots), il s’interroge parfois sur la mort et sur la condition humaine.
De ce point de vue, Dom Juan est sa seule véritable comédie philosophique. Dom Juan y incarne le dédain d’une pensée religieuse et consolatrice, Sganarelle la défense d’une attitude religieuse représentée comme une forme de superstition. On peut voir là – mais une autre interprétation est possible, la pièce s’achevant sur la mort du séducteur – une préférence affirmée pour les thèses des « libertins » qui ne croyaient pas à l’existence de Dieu.

3.9. Le genre sérieux

Molière est essentiellement un écrivain comique, un auteur de comédies. Mais il a écrit quelques pièces relevant du genre sérieux. Il a composé une « comédie héroïque », Don Garcie de Navarre ou le Prince jaloux, qui fut un échec. Et également une « comédie pastorale héroïque », Mélicerte, et une « tragédie ballet », Psyché. Il s’est le plus souvent montré peu à l’aise et moins convaincant dans ce registre « héroïque » où s’illustrait brillamment son ami Corneille.
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Molière acteur


Comme acteur, il était un interprète exceptionnel. Il a joué les grands rôles qu’il avait conçus pour lui : Harpagon (l’Avare), Alceste (le Misanthrope), Dom Juan… Il a été un incomparable acteur de comédies mais il a aussi joué des tragédies.
De nombreux témoignages et travaux d’historiens rendent compte de son talent de bête de scène. Lorsqu’il joue Mascarille dans les Précieuses ridicules, il « entre en piste, clown au masque rubicond sous la monstrueuse perruque couronnée du minuscule chapeau décrit par Mademoiselle Des Jardins, engoncé dans ses flots de rubans et sa tuyauterie de canons, glapissant dans sa chaise, secoué par ses porteurs, littéralement versé sur la scène, il roule, se redresse, se trémousse, fait le brouhaha sur la scène et dans la salle » (Molière, une vie, Alfred Simon, 1987).

Molière en habit de Sganarelle

Une existence vouée au théâtre

Molière auteur

À la différence de Corneille et de Racine, Molière écrit ses pièces en praticien du théâtre. Il conçoit ses histoires et ses répliques pour lui-même et pour des acteurs qu’il connaît et qu’il va diriger. Tout en étant un véritable écrivain, maître des subtilités du langage et créateur de formules, il pense – plus qu’un poète travaillant dans la solitude de son bureau – à la façon dont les répliques seront dites par les comédiens et au jeu qui accompagnera la diction du texte.
De fait, Molière n’a écrit que du théâtre, à l’exception des préfaces qui précèdent l’édition de certaines de ses pièces, de son Remerciement au roi (1663) et de son hommage au peintre Mignard, la Gloire du Val-de-Grâce (1667). C’est un acteur-auteur comme l’était Shakespeare avant lui.
Il est l’auteur, selon la nomenclature en usage, de 2 farces, 22 comédies, 7 comédies-ballet, 1 tragédie-ballet, 1 « comédie pastorale héroïque » et 1 « comédie héroïque ». Dom Garcie de Navarre, en 1661, l’une de ses très rares tentatives dans le genre sérieux fut un échec.
Il a écrit tantôt en vers, tantôt en prose. Les acteurs d’alors préféraient les vers, plus faciles à retenir. Mais écrire en alexandrins demande un travail de plus longue haleine. Quand il était pressé, Molière écrivait en prose, comme pour ses farces, pour Dom Juan ou l’Avare.
Qu’il soit rimé ou en prose, son style a naturellement évolué d’année en année, et sa conception de la comédie également. Sans perdre le goût des pitreries venu de la contemplation des bateleurs qu’il voyait dans son enfance, Molière a peu à peu intégré des préoccupations personnelles, des plaidoyers pour la liberté de ceux qui s’aiment et des questions philosophiques, tout en revendiquant le souci de la vérité, « Il faut peindre d’après nature ». En même temps, sa satire se focalisait sur le milieu mondain et intellectuel, les ambitieux, les médecins et les faux prêcheurs de vertu.
Molière est-il alors devenu, au fil des années, un auteur plus tragique que comique ? C’était le point de vue d’Alfred de Musset qui, dans son poème Une soirée perdue (1850), admire chez lui « une mâle gaîté, si triste et si profonde que, lorsqu’on vient d’en rire, on devrait en pleurer ». Mais cet avis porte la marque des années du romantisme, où l’on aime à privilégier une vision noire de l’Histoire et de la vie. Jusque dans sa dernière pièce, le Malade imaginaire, Molière défia l’esprit de sérieux par la bouffonnerie et la satire, fidèle à la mission qu’il définissait ainsi dans la Critique de l’École des femmes : « C’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens ».

Un auteur-acteur célèbre et contesté


Dès lors, les créations se succèdent à un rythme soutenu, sous la protection de Louis XIV : Molière deviendra en 1664 le fournisseur des fêtes de la Cour, associant le plus souvent comédie, musique et ballets. Mais ses audaces d'auteur qui entend aussi « corriger les mœurs par le rire » donnent lieu à de violentes querelles.
À propos de l'École des femmes (1662) qui fait scandale, on lui reproche à la fois de jouer de plaisanteries faciles et d'équivoques, et de mettre sur le théâtre comique des sujets trop graves (l'éducation morale et religieuse des femmes). Par la Critique de l'École des femmes et l'Impromptu de Versailles (1663), il ridiculise ses détracteurs et ses rivaux, obtenant le soutien et les compliments du roi.
La bataille du Tartuffe (1664-1669), où il met en scène les méfaits d'une dévotion hypocrite et fanatique, est plus violente : interdite par la justice à la demande de représentants de l’Église, la reprise de la pièce n’est autorisée que cinq ans après sa création.
Dom Juan (1665) est un succès sans lendemain. Mettant en scène un « libertin », c’est-à-dire un homme libre de mœurs et de pensée, l’œuvre ne sera jamais rejouée du vivant de l’auteur et le texte sera édité seulement après sa mort, dans une version expurgée.
En moyenne, sur commande royale, ou pour faire vivre sa troupe (qui joue également des textes d'autres auteurs, comme Corneille dont il reste l’ami et Racine avec lequel il se brouille), Molière compose et met en scène deux pièces par an : des comédies à grand spectacle telles que le Bourgeois gentilhomme (1670), des comédies où la peinture de l’être humain donne une profondeur nouvelle au genre comique (Le Misanthrope, 1666 ; l'Avare, 1668), des farces (les Fourberies de Scapin, 1671) ou des comédies satiriques (Les Femmes savantes, 1672).
Sa vie privée a souffert d’une telle activité d’auteur, de chef de troupe et de comédien, parfois en conflit avec d’autres artistes comme le compositeur Lully, l’un de ses rivaux auprès du roi. Il avait été l'amant de Madeleine Béjart, dont il épouse la fille en 1662 ; Armande est de 20 ans plus jeune que lui et ses ennemis affirment que, ce faisant, il épouse sa propre fille, ce qui est une calomnie sans fondement. Le ménage ne semble pas avoir été des plus heureux. Il a donné naissance à trois enfants, dont, seule, une fille, Esprit-Madeleine (1665-1723), n'est pas morte dans sa première année.

1.3. Une mort à l'issue d'une représentation

À partir de 1666, la santé de Molière s'altère gravement. Il continue ses spectacles malgré la progression de la maladie. Le bruit de sa mort se répand à Paris à plusieurs reprises. Le 17 février 1673, lors de la quatrième représentation du Malade imaginaire, sa nouvelle et ultime pièce où il se moque des médecins et de l’engouement démesuré de son personnage pour la médecine, un malaise le saisit sur scène. Transporté chez lui, rue de Richelieu, il meurt dans la soirée.
Les comédiens n’ont pas droit à une inhumation religieuse. Mais, sur intervention de Louis XIV, son corps a droit à un enterrement opéré de nuit et sans « service solennel », au cimetière Saint-Joseph.
Molière laisse une troupe, celle de l’hôtel de Guénégaud, qui est devenue la plus réputée de Paris, et où des comédiens de grand talent ont trouvé l'occasion de se former et de s'affirmer. Sept ans après la mort de Molière, en 1680, le roi ordonne la réunion de cette troupe avec celle de l'Hôtel de Bourgogne pour fonder la Comédie-Française.

Les débuts dans la carrière théâtrale


En 1643, alors qu’il était destiné à être avocat ou tapissier, il se fait soudain verser sa part d'héritage maternel, passe contrat avec la famille Béjart et six autres comédiens pour fonder une troupe, « l'Illustre-Théâtre », et il devient « Molière ». Sa vocation est donc originale et impérieuse. Il aurait pu, comme beaucoup, venir au théâtre par l'écriture, mais chez lui le goût du jeu scénique précède l'écriture, donnée fondamentale pour comprendre sa carrière et son esthétique.
Il essaie de fonder une nouvelle salle de théâtre à Paris, ce qui est alors des plus difficiles. En butte à l'hostilité des troupes concurrentes, l'Illustre-Théâtre fait faillite dès 1645, et Molière connaît, très brièvement, la prison pour dettes. Il n'abandonne pas : il rejoint avec les Béjart une troupe itinérante en province. Ce sont des années d'apprentissage, sous la protection du prince de Conti, gouverneur du Languedoc.
Molière commence à écrire pour la compagnie des farces, puis des comédies (l'Étourdi, 1654 ; le Dépit amoureux, 1656). Mais le prince de Conti, devenu dévot, retire son appui aux comédiens. La troupe quitte le Midi de la France pour Rouen puis Paris, où Molière obtient la protection de Monsieur, frère du roi.
En 1658, la troupe débute devant la Cour. Le bon accueil fait à ses premières comédies lui permet d'obtenir de partager la salle du Palais-Royal avec les comédiens-italiens. Molière, qui s’estime un temps doué pour la tragédie, y interprète des tragédies de Corneille, sans succès. La gloire survient cependant dès 1659 avec le succès triomphal des Précieuses ridicules : pour la première fois, Molière fait éditer son texte (pour couper court à des éditions pirates).

La vie de Molière


Les parents de celui qui devait prendre le nom de Molière sont des artisans-marchands prospères de Paris : le père, Jean Poquelin, achète en 1631 une charge avantageuse de « tapissier ordinaire du roi » (c'est-à-dire de fournisseur de la Cour). Aîné de cinq enfants, Jean-Baptiste est envoyé au collège jésuite de Clermont – l’actuel lycée Louis-le-Grand – que fréquentaient des fils d'aristocrates. Il s’intéresse tôt au théâtre, sous l'influence de son grand-père qui l’emmène voir les spectacles de l’Hôtel de Bourgogne. Sa scolarité achevée, il fait des études de droit et suit les leçons du philosophe et savant Gassendi, dont l’enseignement met en cause les explications religieuses de la création du monde.

Jean-Baptiste Poquelin : Molière Biographie



Auteur dramatique français (Paris 1622-Paris 1673). 

Acteur, chef de troupe, auteur et metteur en scène, Molière est l'homme de théâtre complet par excellence. Il joue, en tant qu'auteur, sur toute la gamme des effets comiques, de la farce la plus bouffonne jusqu'à la psychologie la plus élaborée. Ses pièces où, s'attaquant à un vice de l'esprit ou de la société, il campe des personnages qui forment des types, sont de véritables chefs-d'œuvre. En élevant la comédie, considérée avant lui comme un genre mineur, il a donné un élan vital au théâtre.

Famille

Son grand-père et son père sont maîtres tapissiers du roi. Sa mère meurt en 1632.

À 40 ans, Molière se marie avec Armande Béjart. Ils ont deux fils, morts très jeunes, et une fille.

Jeunesse

Jean-Baptiste étudie à Paris dans un collège jésuite. Il exerce quelques mois le métier d’avocat puis hérite de la charge de tapissier du roi.

Débuts

En 1643, il fonde avec la comédienne Madeleine Béjart l’Illustre-Théâtre. Acteur, auteur et bientôt chef de troupe, il devient « Molière ». Mais ses tragédies sont des échecs. En 1645, c’est la faillite.

Il fonde avec Madeleine une nouvelle troupe qui tourne en province pendant treize ans. Leurs farces remportent de grands succès. En 1658, la troupe regagne Paris.

Gloire

Avec le triomphe des Précieuses ridicules (1659), Molière devient un auteur adulé, jalousé, redouté. En 1661, il crée avec le musicien Lully la comédie-ballet. Le roi Louis XIV est enthousiaste. Mais l’École des femmes (1664) est accusée d’être blasphématoire. En 1664, les dévots font interdire Tartuffe, qui dénonce l’hypocrisie religieuse. Molière obtient néanmoins la protection du roi.

Mais la vie privée de Molière est agitée. À 43 ans, il est atteint d’une fluxion au poumon.

Son Dom Juan (1665) provoque un nouveau scandale. Le Misanthrope (1666) reçoit un accueil mitigé. Entre 1668 et 1670, l'Avare, Tartuffe et le Bourgeois gentilhomme sont des triomphes.

Disgrâce

En 1672, Madeleine Béjart meurt. Les Femmes savantes sont un échec.

Lully supplante Molière dans la faveur royale.

Mort

Au cours d’une représentation du Malade imaginaire, sa dernière comédie-ballet (1673), Molière est pris de malaise. Il meurt à son domicile parisien. Il est enterré de nuit, sans inhumation chrétienne.

Citations

« c'est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens ». (la Critique de l'École des femmes, sc. VI)
« Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris. » (les Précieuses ridicules, sc. IX)








Un théâtre de l’exemplarité et de la sensibilité

Le siècle classique français reprit à son compte le précepte des anciens Grecs selon lequel le théâtre devait « purger les passions », c’est-à-dire opérer une catharsis (purification) dans l’esprit du spectateur. Corneille acceptait cette idée mais il voulut plutôt transformer le public par la valeur d’exemple que peuvent incarner des pièces comme Le Cid ou Polyeucte. Mais, de même qu’il a su casser brillamment l’uniformité de la récitation en introduisant des variations comme les stances (formes de monologues poétiques), il n’a pas écrit un théâtre qui pourrait se réduire seulement à cette fonction d’exemplarité, au culte du héros, à l’école du courage et de la volonté.

Passion et tendresse : les héroïnes cornéliennes

On connaît surtout les grands personnages masculins de ses pièces, mais il a également brossé d’amples et saisissants personnages féminins. D’ailleurs, la pièce qu’il préférait parmi ses créations – et que la postérité n’a pas placée au premier plan – repose sur la personnalité d’une femme. Il s’agit de Rodogune (1647), dont l’héroïne, « princesse des Parthes », est âpre et ambitieuse, très différente des mères et des filles fort touchantes qui interviennent dans bien d’autres de ses pièces. Mais c’est néanmoins la représentation passionnée d’un destin de femme. Lui-même donna, sans modestie, les raisons de son attachement à cette œuvre : « Elle a tout ensemble la beauté du sujet, la nouveauté des fictions, la force des vers, la facilité de l’expression, la solidité du raisonnement, la chaleur des passions, les tendresses de l’amour et de l’amitié : et cet heureux assemblage est ménagé de sorte qu’elle s’élève d’acte en acte » (Examen, 1660).
Tout Corneille est dans cette phrase : le théâtre doit « raisonner » mais être aussi empreint de tendresse. Les mises en scène modernes de ses pièces ont fréquemment mis en évidence une sensibilité et une sensualité méconnues. Écrivain affectionnant le discours et la leçon politique, avocat dans l’écriture comme il l’était à la ville, Corneille est aussi à sa façon, qui est plus secrète que celle de Racine, un écrivain du sentiment.

POLYEUCTE

Polyeucte

Dans Polyeucte, il est à nouveau question d’un complot, mais la révolte a ici des causes religieuses : Polyeucte se convertit en secret au christianisme et veut détruire les idoles païennes. Il pourrait payer de sa vie son action criminelle mais, au contraire, séduit ceux qui l’entourent par sa sincérité et sa force de conviction. Sa femme et ses rivaux se convertissent ou découvrent la foi chrétienne. Le thème n’est plus celui du pouvoir, mais celui d’une minorité agissant contre une doctrine établie. Au-delà de ce thème, d’ailleurs traité de façon édifiante, c’est un tableau du monde en train de changer : ce détail – l’action se passe non pas dans la capitale de l’empire, mais dans le territoire de l’Arménie alors romaine – va modifier l’ensemble de l’univers connu.

CINNA



Cinna s’interroge doublement sur le pouvoir à travers les tourments d’un empereur, Auguste, qui affronte successivement un conflit intérieur et un conflit extérieur : il se demande s’il doit abandonner le trône, puis le conserve ; puis il découvre que son ami Cinna mène une conspiration contre lui dans le but de l’assassiner. Il pardonne. Magnanimité désintéressée ou calculée ? L’impératrice et Auguste lui-même pensent que ce geste de pardon pourra apporter une gloire éternelle à celui qui en est l’auteur.

LE FILM DU CID



HORACE

 Illustration: Horace - Pierre Corneille

Horace reprend le thème, obsédant chez Corneille, de l’honneur : celui qui triomphe dans le combat entre les trois champions de Rome et les trois champions d’Albe, le Romain Horace a employé la ruse et a tué sa sœur ; il a fait triompher l’intérêt collectif, mais sans scrupule. Il est un Rodrigue assez immoral, en qui son père – le vieil Horace – et l’empereur Tulle vont finalement approuver les vertus liées au courage.

Une lecture politique de l’Histoire



Avec le Cid, Corneille est entré dans l’écriture tragique avec une telle force et un tel talent qu’il ne va plus la quitter, si l’on excepte les deux comédies le Menteur (1643) et la Suite du Menteur (1644). C’est donc un deuxième Corneille qui est né et va se renouveler dans ce répertoire noble. De Horace (1640), qui vient juste après le Cid, à Suréna, (1674), sa dernière œuvre, il composa et fit jouer 21 tragédies, ce qui porte à 23 le nombre de ses pièces d’inspiration tragique écrites sans collaborateur.

Peu importe qu’il fût déclaré perdant dans le concours qu’il accepta de disputer face à Racine en 1670 – chacun écrivit sur le même sujet, lui fit Tite et Bérénice ; son rival, Bérénice, qui eut plus de succès –, il se montra toujours d’une grande force et d’une grande fécondité.

 
 
Louis David, Les licteurs rapportent à Brutus les corps de ses fils

Cet ensemble tragique reprend parfois des thèmes des auteurs anciens mais, le plus souvent, préfère l’Histoire à la mythologie et propose une lecture politique des siècles passés. C’est l’histoire romaine que Corneille reconsidère surtout et qu’il projette sous son éclairage en donnant sa vision de divers événements ou de divers personnages : Horace, Cinna (1641), Polyeucte (1642), pour ne citer que les trois pièces « romaines » retenues par la postérité. Chacune de ces tragédies peut se voir comme un problème politique posé au spectateur – et, au-delà, aux rois et aux conseillers de qui dépend le fonctionnement d’un pays et d’une société.

La révolution du Cid



La création du Cid en 1637 est un événement fondateur. La pièce peut être considérée comme la première grande tragédie, ou tragi-comédie, c’est-à-dire tragédie avec une fin heureuse, du théâtre classique français. Aucun auteur n’avait jusqu’alors atteint cet éclat dans la forme et posé des questions aussi existentielles à travers des personnages aussi nobles et des conflits moraux aussi élevés.
Le dilemme cornélien

Les protagonistes se débattent dans un dilemme, depuis qualifié de cornélien : que choisir, de la fidélité aux principes et vertus que l'on vous a inculqués, ou de votre bonheur individuel ? La scène est à Séville, au temps de la Reconquête espagnole. Les temps sont encore chevaleresques et propices aux héros. Rodrigue a tué un homme de bien, il est criminel et pourtant il a sauvé sa patrie.

Le Cid est un chef-d’œuvre à plus d'un titre. D’abord par son principal débat, qui porte sur l’honneur : cette revendication morale doit-elle l’emporter sur les droits de l’amour ? L’honneur lui-même est-il plus important s’il est de caractère national, familial, individuel ? L’esprit de chevalerie est-il plus guerrier que galant, ou plus respectueux de l’amour et de la femme que des idéaux militaires ?

Poser ces questions à travers une tragédie, c’est plaider pour une société où les vérités ne sont pas figées mais soumises à la réflexion morale et aux considérations humaines. Contrairement aux images qu’on a souvent associées au théâtre cornélien, la pièce choisit le camp de la jeunesse et de l’amour. Mais elle le fait sans négliger les enjeux politiques. Elle place ses deux jeunes héros et leur amour enflammé dans la structure et le cheminement d’un pouvoir dont Corneille est un observateur de plus en plus aiguisé.
Succès et polémique

Le succès fut considérable. Mais les critiques, venant d’auteurs jaloux et d’une clique réunie autour de Richelieu et de l’Académie française, qui prônaient l’application stricte de règles étroites, alimentèrent ce qu’on a appelé « la querelle du Cid » – querelle interminable qui, aujourd’hui, peut paraître absurde. Un contemporain, Georges de Scudéry, soutint : « Le sujet est vrai, mais non pas vraisemblable. » Corneille répondit point par point aux attaques, n’acceptant que de très rares défauts (« Je ne puis dénier que la règle des vingt et quatre heures presse trop les incidents de cette pièce »).

De la comédie au genre tragique

Le théâtre de Corneille est beaucoup plus varié qu’on ne le croit. Lorsqu’il publia sa comédie le Menteur, il écrivit dans sa préface : « Je vous présente une pièce de théâtre d’un style si éloigné de ma dernière, qu’on aura de la peine à croire qu’elles soient parties de la même main, dans le même hiver. » Il venait, en effet, de faire jouer une tragédie, La Mort de Pompée.
Corneille n’aimait pas les règles et les qualifications trop strictes. Il qualifia Le Cid de « tragi-comédie » avant de le rebaptiser « tragédie ». Et il pratiqua la pure « comédie » et la « comédie héroïque » – genre noble, qui ne prétend pas au seul divertissement. Ce qui importe surtout est de noter que l’écrivain commença par des comédies et qu’à partir du Cid, il cessa d’en écrire, à une exception près.
La majorité de ses trente-deux pièces relève du genre sérieux. On raconte que Corneille suivit le conseil d’un ami lui disant que la gloire était liée au traitement des sujets graves. Une autre raison tient aussi dans la maturation du poète : au fil des années, il eut une vision de plus en plus noire et de plus en plus chrétienne de la vie et de l’Histoire. Il fut pourtant à ses débuts un remarquable auteur de comédies.

Les comédies de jeunesse

Corneille jeune fut le peintre de la jeunesse. Mélite ou les Fausses Lettres (1625), sa première pièce, la Galerie du palais ou l’Amie rivale (1633) et la Place royale ou l’Ami extravagant (1634) représentent de jeunes amoureux qui se quittent, se retrouvent, changent de partenaire, tendent des pièges pour éprouver l'autre ou mettre fin à leur relation… Il y a là une vivacité, une insolence, une liberté, une forme d’immoralité qui surprennent chez un auteur dont l’œuvre ultérieure sera de plus en plus celle d’un rigoriste observant le jeu social et politique.
En outre, l’exercice de la comédie permet à Corneille de parler de son époque, alors que la tragédie est, par principe, transposée dans un univers culturel défini, lié au passé. Il y a donc un premier Corneille tourné vers la joie de vivre et d’aimer.

Une comédie de l’illusion

Parmi ses comédies, l’Illusion comique (1636) est la plus originale. Elle garde ce climat de jeunesse, avec quelques personnages aux amours brouillonnes, mais elle est surtout marquante par sa construction et par son éloge du théâtre. Sa construction imbrique le plan de la réalité et le plan du spectacle, car le personnage du père, qui cherche à connaître le sort de son fils disparu, croit voir une action réelle et suit en réalité, guidé par un magicien, les répétitions d’une pièce où joue son fils. Lorsque ce fils meurt sous ses yeux, il croit à une mort réelle, avant de comprendre qu’il s’agit d’une simulation.
« Illusion comique » veut dire « illusion théâtrale, jouée par des comédiens ». Influencé par le théâtre espagnol (qui restera l’une de ses grandes références), Corneille crée en France une dramaturgie du jeu de miroirs, qui est une préfiguration du « théâtre dans le théâtre » – comme l’illustrera beaucoup plus tard Pirandello. Cet art du vrai et du faux est aussi une célébration de l’art dramatique. En un temps où la profession de comédien est socialement très risquée (elle est notamment condamnée par l’Église, qui excommunie les acteurs) et où les pièces ont de plus en plus de succès, l’auteur proclame le triomphe moderne du théâtre, à travers les propos du magicien Alcandre : 

À présent le théâtre 

Est en un point si haut que chacun l’idolâtre
Et ce que votre temps voyait avec mépris
Est aujourd’hui l’amour de tous les bons esprits.

L’œuvre de Corneille

Le théâtre de Pierre Corneille comporte deux inspirations correspondant à deux temps de sa vie. Le premier temps – le moins connu – est celui de la comédie, d’une peinture d’actions légères, insolentes, peu morales : c’est un auteur joyeux et caustique qui fait rire son public. Le second temps – malgré deux pièces comiques au début de cette deuxième période, bien plus longue que la première – est celui des tragédies. Cette deuxième inspiration, qui cherche à élever l’âme et l’esprit du spectateur, prend toute sa force à partir du Cid. Cette tragi-comédie est influencée par le théâtre espagnol mais impose une forme et une morale de l’héroïsme qui vont fonder le théâtre classique français (→ le classicisme en littérature).
Corneille donne ensuite de nombreuses tragédies, plus méditatives, très politiques, innervées d’une sensibilité cachée, empreintes à la fois d’un sens stoïcien de la vie et d’une forte croyance dans les vertus du christianisme.
Les œuvres principales sont L’Illusion comique (1638), Le Cid (1637), Horace (1640), Cinna (1641), Polyeucte (1642), le Menteur (1643), Rodogune (1647), Nicomède (1651), Tite et Bérénice (1670), Suréna (1674).

Corneille ou une vie vouée au théâtre

Corneille fait ses études chez les jésuites de sa ville natale. Reçu avocat au parlement de Rouen en 1624, il achète deux offices. Mais c'est la carrière poétique et dramatique qui l'attire. Dès 1629, il fait jouer à Paris une comédie, Mélite, et, malgré Clitandre (1630-1631), tragi-comédie, il semble se consacrer au genre (la Veuve, 1631 ; la Galerie du Palais, 1631-1632 ; la Suivante, 1632-1633 ; la Place Royale, 1633-1634). Richelieu l'accueille parmi les cinq auteurs qui travaillent sous sa protection, mais Corneille reprend vite sa liberté, et, alors qu'il donne sa comédie la plus originale (l'Illusion comique, 1636), le succès de sa première tragédie, Médée (1635), infléchit sa carrière, confirmée par le triomphe du Cid.
Mais, si le public le suit, les « doctes » le boudent et suscitent une querelle littéraire qui ne sera close qu'en 1638 avec la publication des Sentiments de l'Académie sur le Cid.
Corneille se tait pendant trois ans et finalement s'incline. Il écrit des tragédies « régulières » (Horace, 1640 ; Cinna, 1641 ; Polyeucte, 1642 ; Rodogune, 1644 ; Héraclius, 1647 ; Nicomède, 1651), entrecoupées de comédies (le Menteur, 1643 ; Don Sanche d'Aragon, 1650).
Marié en 1640 avec Marie de Lampérière, Corneille a six enfants ; son deuxième fils sera tué en 1674 au siège de Grave-en-Brabant. Académicien en 1647, il renonce à ses charges d'avocat trois ans plus tard. En 1651, l'échec de Pertharite le décourage brutalement. Pendant sept ans, il ne s'occupe que d'une traduction en vers de l'Imitation de Jésus-Christ (1656).
En 1659, il tente de reconquérir son public et donne successivement la Toison d'or (1661), Sertorius (1662), Othon (1664), Attila (1667). Mais la plupart des suffrages vont maintenant à Racine, dont la Bérénice (1670) obtient un succès bien plus vif que Tite et Bérénice, que Corneille fait jouer la même année. Après Pulchérie (1672) et Suréna (1674), mal accueillis, il cesse d'écrire, s'occupant de donner une édition complète et réfléchie de son théâtre (1682).

Pierre Corneille biographie


Naissance
6 juin 1606 à Rouen.

Famille
Son père est « maître des Eaux et Forêts de la vicomté de Rouen », une modeste profession administrative qui le range dans la petite bourgeoisie. Sa mère est issue d'une famille d'avocats. Son frère cadet Thomas sera lui aussi auteur dramatique.

Formation
Études au collège des Jésuites de Rouen, puis licence de droit.

Premiers succès
Succès immédiat de Mélite, première pièce et première comédie (1629-1630). Triomphe absolu du Cid (1637), aussitôt suivi d’une vive « querelle » (polémique).
Évolution de la carrière de l’auteur :

– un auteur comique (1631-1645) : la Veuve, la Galerie du Palais, la Suivante, la Place royale, quatre comédies, de 1631 à 1634. L'Illusion comique (1636). Retour à la comédie sept ans plus tard avec le Menteur (1643-1644) et la Suite du Menteur (1644-1645).
– le spécialiste de la tragédie romaine et politique (1640-1652) : avec notamment Horace (1640), Cinna (1642), Polyeucte (1643), Nicomède (1651).
– la tentation de l’abandon : échec de Pertharite (1652) et « retraite ».
– le retour au théâtre : Œdipe (1659). Efforts de renouvellement avec deux « comédies héroïques » : Tite et Bérénice (1670) et Pulchérie (1672). Échec d’Agésilas (1666). Trois succès : Sertorius (1662), Sophonisbe (1663), Othon (1664).
Concurrence de plus en plus vive de Racine : demi-échec d’Attila en 1667, l’année d’Andromaque. Retraite définitive après Suréna (1674).

Mort
Le 1er octobre 1684 à Paris.

Pierre Corneille

Poète dramatique français (Rouen 1606-Paris 1684).

L’extrême musicalité du vers racinien



Plus encore que les autres auteurs classiques, Racine est un poète. Ses alexandrins sont si rythmés et musicaux qu’on a parfois soutenu que ses tragédies ne gagnaient rien à être jouées et qu’il fallait les écouter comme des poèmes. Les mises en scène modernes nous ont prouvé le contraire : les scènes sont fortes, structurées, pas du tout fondées sur la seule incantation. Mais, alors que Corneille et Molière ont une formation rhétorique et jouent volontiers avec la forme du discours, Racine se place davantage à l’intérieur du flux de la conscience de ses personnages et leur donne un langage plus fluide, où les mots se répondent dans une forme d’assonance et de chant. Les propos sont en situation, participent à l’action mais peuvent être aussi détachés, isolés, comme des phrases dont la beauté enchante et la profondeur bouleverse.

Ainsi Phèdre se voyant tout haut à la place d'Ariane et menant un Hippolyte-Thésée :
« Et Phèdre au Labyrinthe avec vous descendue
Se serait avec vous retrouvée ou perdue. »
(Phèdre, acte II, scène V).

Ou Junie répondant à Britannicus :
« J’ose dire pourtant que je n’ai mérité
Ni cet excès d’honneur, ni cette indignité »
(Britannicus, II, 3).

Balancements, symétries, juxtapositions de termes antinomiques (oxymores) et assonances suggestives traduisent brillamment dans le vers racinien les impasses qui enferment, la fureur qui transporte, l'effarement qui rend fou ; ainsi dans le célébrissime alexandrin d'Oreste perdant la raison : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? »
(Andromaque, V, 5).
La maîtrise du lyrisme stylistique donne au vers une mélodie prégnante propre à Racine.

Le respect du contexte antique

Quelques exceptions

D’une manière paradoxale, le théâtre classique – et surtout le genre de la tragédie – place sa modernité dans une transposition des actions et des sentiments dans un contexte antique. Les pièces doivent le plus possible puiser dans la mythologie gréco-romaine, les tragédies des Anciens ou les faits relatés par les historiens grecs et latins. Racine a plusieurs fois dérogé à ce principe.
L’action des Plaideurs se passe de son temps, puisque c’est une charge contre la justice telle qu’il l’a connue (même si la trame est inspirée des Guêpes d’Aristophane), mais cela est admis dans le registre comique, genre moins noble.
Plus inattendu : l’action de Bajazet a lieu au xviie siècle, mais en Turquie. Dans sa seconde préface, Racine soutient que la distance géographique a le même sens que la distance dans le temps (« On peut dire que le respect qu’on a pour les héros augmente à mesure qu’ils s’éloignent de nous [… ] L’éloignement des pays répare en quelque sorte la trop grande proximité des temps »). Enfin, les deux tragédies tardives, Esther et Athalie, ont prennent leurs sources dans les « Saintes Écritures »  – ce qui est une autre forme d’éloignement.

Sous le masque de l'Antiquité gréco-romaine

L’Antiquité reste dominante. Cette Histoire ancienne, et ses auteurs – historiens et dramaturges,- Racine les connaît parfaitement. Dans les préfaces de ses pièces, il dispute à distance avec ceux qui contestent telle ou telle transposition et les contredit avec une imparable érudition. Si l’on examine les sujets des huit pièces « antiques », on constate que l’histoire et la mythologie grecque l’emportent, de peu, sur les sujets romains. Quatre pièces, la Thébaïde (qui s’inspire du mythe d’Antigone et de ses frères), Andromaque, Iphigénie et Phèdre suivent d’assez près des sujets traités par les grands auteurs grecs. Alexandre le Grand relève, comme son titre l’indique, de l’histoire hellénique. En relation avec l’histoire romaine, il ne reste que trois œuvres, Britannicus, Bérénice et Mithridate.
Vu sous cet angle, le théâtre de Racine serait plus grec que romain. Mais les deux inspirations se rejoignent dans une même vision poétique du passé, un temps à la fois réel et idéalisé, authentique et imaginaire où l’on peut à la fois interroger l’Histoire et transposer le présent d’une façon masquée.
D’une façon indirecte, Racine, dans sa préface à Iphigénie, reconnaît que l’Antiquité recèle une traduction de l’actualité : « J’ai reconnu avec plaisir, par l’effet qu’a produit sur notre théâtre, tout ce que j’ai imité ou d’Homère ou d’Euripide, que le bon sens et la raison étaient les mêmes dans tous les siècles. Le goût de Paris s’est trouvé conforme à celui d’Athènes. Mes spectateurs ont été émus des mêmes choses qui ont mis autrefois en larmes le plus savant peuple de la Grèce. » Les contemporains de Racine y voyaient même parfois des allusions transparentes à des personnages de la Cour…

2. 4 La passion mise à nu


Lea más en http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Jean_Racine/140142#Suig7fUpPV9LTuGQ.99

Le respect rigoureux des règles classiques



Contrairement à Corneille, Racine respecte sans difficulté ces contraintes héritées du théâtre antique et codifiées par Boileau dans son Art poétique : « Qu’en un lieu, un seul jour, un seul fait accompli tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli ». Dans la préface de Britannicus, il se dit partisan d’« une action simple chargée de peu de matière, telle que doit être une action qui se passe en un seul jour et qui, s’avançant par degrés vers sa fin, n’est soutenue que par les intérêts, les sentiments et les passions des personnages ». Il n’a jamais dérogé à ces obligations.
L'exaltation des sentiments est toute l'action

Phèdre déroule dans le cadre d’une journée les événements qui mènent la jeune épouse du roi Thésée à déclarer son amour à son beau-fils puis à se donner la mort au retour de son mari. Ou bien, dans Andromaque, ce même délai permet au roi Pyrrhus d’hésiter entre deux femmes, Hermione et Andromaque, de choisir la seconde et de périr des coups portés par un homme armé par la femme abandonnée.

La représentation de sentiments exaltés et l’arrivée d’événements dramatiques et sanglants ne créent pas une multitude d’éléments disparates ; tout repose sur une ligne simple qui suit son évolution, depuis l’exposition jusqu’au dénouement.
Captiver avec rien ?

Poussant la règle des trois unités jusqu’à son utilisation la plus minimale, Racine a même imaginé une action réduite à des faces à face et à une séparation du couple principal sans qu’intervienne aucun rebondissement. C’est le cas de Bérénice où la reine de Judée, Bérénice, et l’empereur de Rome, Titus, sacrifient leur amour aux intérêts de l'État. Dans sa préface à cette tragédie, Racine explique vouloir : « faire une tragédie avec cette simplicité d’action qui a été si fort du goût des anciens […] Il y en a qui pensent que cette simplicité est une marque de peu d’invention. Ils ne songent pas qu’au contraire toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien ». Il s'agit pour lui en effet d'« attacher durant cinq actes leurs spectateurs par une action simple, soutenue de la violence des passions, de la beauté des sentiments et de l’élégance de l’expression. » Ainsi s’oppose-t-il aux auteurs dont les pièces accumulent les incidents et les coups de théâtre…

L’œuvre de Racine

Œuvres

Théâtre


 Titre et éditions
1664 :  La Thébaïde ou les Frères ennemis
1665 :  Alexandre le Grand
1667 :  Andromaque
1668 :  Les Plaideurs
1669 :  Britannicus
1670 :  Bérénice
1672 :  Bajazet
1673 :  Mithridate
1674 :  Iphigénie en Aulide
1677 :  Phèdre
1689 :  Esther
1691 :  Athalie

Poésie


 Titre et éditions

Le Paysage ou les Promenades de Port-Royal des Champs

Chanson contre Fontenelle

Portrait d’Antoine Arnauld

Stances à Parthénisse

Stance à la louange de la Charité
1660 :  La Nymphe de la Seine à la Reyne
1663 :  Ode sur la convalescence du Roy
1670 :  Vers sur la signature du Formulaire
1685 :  Idylle sur la paix
1688 :  Hymnes traduites du Bréviaire romain
1689 :  Poème héroïque au Roy
1694 :  Épigramme et sonnets sur la Troade de Pradon et sur la tragédie de Genséric
1694 :  Cantiques spirituels. IV. Sur les vaines occupations des gens du siècle

Quelques poèmes dans Fac-simile Les Poëtes français, III (1861), par Eugène Crépet

Discours

Histoire

Prose diverse

Traductions

  • Le Banquet de Platon
  • Traduction de la Vie de Diogène le Cynique

Correspondance

  • Lettres (posthume, 1747)
  • Correspondance entre Racine et La Fontaine
  • Correspondance entre Racine et Boileau
  • Lettres de Racine à son fils

Œuvres complètes ou partielles, éditions en fac-similé

Œuvres

Théâtre


 Titre et éditions
1664 :  La Thébaïde ou les Frères ennemis
1665 :  Alexandre le Grand
1667 :  Andromaque
1668 :  Les Plaideurs
1669 :  Britannicus
1670 :  Bérénice
1672 :  Bajazet
1673 :  Mithridate
1674 :  Iphigénie en Aulide
1677 :  Phèdre
1689 :  Esther
1691 :  Athalie

Poésie


 Titre et éditions

Le Paysage ou les Promenades de Port-Royal des Champs

Chanson contre Fontenelle

Portrait d’Antoine Arnauld

Stances à Parthénisse

Stance à la louange de la Charité
1660 :  La Nymphe de la Seine à la Reyne
1663 :  Ode sur la convalescence du Roy
1670 :  Vers sur la signature du Formulaire
1685 :  Idylle sur la paix
1688 :  Hymnes traduites du Bréviaire romain
1689 :  Poème héroïque au Roy
1694 :  Épigramme et sonnets sur la Troade de Pradon et sur la tragédie de Genséric
1694 :  Cantiques spirituels. IV. Sur les vaines occupations des gens du siècle

Quelques poèmes dans Fac-simile Les Poëtes français, III (1861), par Eugène Crépet

Discours

Histoire

Prose diverse

Traductions

  • Le Banquet de Platon
  • Traduction de la Vie de Diogène le Cynique

Correspondance

  • Lettres (posthume, 1747)
  • Correspondance entre Racine et La Fontaine
  • Correspondance entre Racine et Boileau
  • Lettres de Racine à son fils

Œuvres complètes ou partielles, éditions en fac-similé

 

 

 

Une inspiration profane, puis chrétienne


Comparée à l’œuvre de ses contemporains, tels Corneille ou Molière, la production de Racine est moins abondante. Il n’écrivit que douze pièces au total ; mais quelles pièces !
L’ensemble s’articule en deux volets : les tragédies de la période théatralement féconde, avec la parenthèse d’une seule comédie, les Plaideurs (satire visant le monde judiciaire) ; puis les deux tragédies d’inspiration biblique, Esther et Athalie, pièces de circonstance mais traductions personnelles d’un retour à la foi.
Les grandes tragédies de la période la plus créatrice, aux thèmes non-religieux, permettent de définir les caractéristiques du théâtre racinien : un respect des règles qui ont conditionné l’art classique, une évolution dans le traitement des personnages et de l’action qui rompent avec la tradition des pièces héroïques ou exemplaires, l’obsession de représenter des passions exacerbées, enfin une fluidité musicale du langage.